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Titre : Au pied du mur
Auteur : Elisabeth Sanxay Holding
Éditeur : Baker Street
Seconde Guerre Mondiale. Aux Etats-Unis, en l’absence de son mari Tom, parti faire la guerre dans le Pacifique, Lucia Holley dirige la maison familiale où vivent ses deux enfants, Béatrice et David, son père et la bonne, Sibyl. Béatrice a une liaison avec un escroc à la petite semaine, Ted Darby, qui a l’avantage de lui faire miroiter ses entrées dans le monde de l’art, Béatrice faisant une école de dessin. Lucia voit cette relation d’un très mauvais œil, Bee (surnom de Béatrice) n’ayant aucune conscience de la véritable nature de Ted Darby qui se présente à la demeure familiale et que Lucia retrouve mort un matin dans son hangar à bateaux. Lucia décide de transporter le corps de Ted ailleurs pour écarter tous les soupons de sa famille : de sa fille qui était en relation avec Ted et de son père, le dernier à avoir a priori vu Ted vivant et qu’elle croit donc coupable de son assassinat. A partir de là, la situation ne fera qu’empirer.
Il y a deux aspects du livre particulièrement réussis par Sanxay Holding : le rapport de Lucia à la famille et la structure psychologique de Lucia qui sait ce qui s’est passé et qui est confronté au dilemme posé par l’affrontement dans son esprit entre ce qu’elle sait, ce qu’elle imagine que les autres (le policier, le maître chanteur, l’associé de ce dernier, son père, ses enfants,…) savent et ce qu’elle pense que les autres imaginent.
Tout au long du livre, une seule idée fixe hante Lucia : sauvegarder sa famille. Il s’agit autant pour elle de les protéger en les maintenant dans l’ignorance de ce qui se passe et en assumant tout toute seule (ou avec l’aide de Sibyl) qu’en tenant la police éloignée de son père qu’elle pense coupable ou qu’en tentant de préserver la réputation de sa fille qui devra bientôt « se trouver un parti ». En l’absence de son mari parti à la guerre, c’est à elle et elle seule, dans son esprit, que revient ce devoir protecteur qui motive et justifie tous les actes qu’elle va entreprendre.
Il y a du Jim Thompson dans cette approche psychologique des personnages. Il y a du Hitchcock dans la scène où Lucia cache un corps dans un coffre qu’elle charge dans sa voiture et dont elle va chercher à se débarrasser et où elle est persuadée que toutes les personnes qui la croisent, quand bien même elles n’ont pas assisté à la scène et ne peuvent se douter du contenu réel du coffre, savent pertinemment ce qui se passe. C’est représentatif de cette tension permanente qui entoure Lucia, tiraillée, encore une fois, entre ce qu’elle sait et la certitude dans laquelle elle est que tout le monde sait ce qu’elle a fait. Là encore la scène du coffre et de la voiture est sublime : elle tombe en panne avec sa voiture et rentre chez elle dans un état d’anxiété extrême persuadée que la fatigue et la tension se lisent sur son visage (et que le policier qui l’attend lira en elle comme dans un livre ouvert) pour se rendre compte, en se dévisageant dans le miroir, qu’il n’en parait en fait rien. Lucia est en quelque sorte sa propre Némésis.
Enfin, si ce livre s’apparente au « hardboiled » classique, il est à noter que Sanxay Holding retourne les codes dans la mesure où ce n’est pas la figure populaire (détective, policier,…) qui fait irruption dans la haute société locale (prenez un « Cible Mouvante » de Ross McDonald, par exemple) mais bien la « notable » Lucia Holley qui va se retrouver plonger dans les griffes de maîtres-chanteurs…
On peut donc faire du roman noir réussi sans accumuler les serials killers, les scènes sanglantes ou les invraisemblances… Enfin, on pouvait puisque ce roman date de la fin des années 40 !
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