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Titre : Qaanaaq

Auteur : Mo Malo

Éditeur : La Martinière

De quoi jeter un froid

L’inspecteur danois d’origine groenlandaise Qaanaaq est envoyé par sa hiérarchie à Nuuk, au Groenland, pour enquêter sur trois meurtres sauvages qui semblent avoir été perpétré par un ours. Un ours capable de crocheter une serrure, de déposer un tulipak près des corps, de laver la bouche des morts ou de ne pas saliver au moment de mordre bestialement les victimes, mais un ours quand même…

Rajoutez à cela des policiers locaux qui voient d’un mauvais œil l’arrivée d’un étranger, aussi groenlandais d’origine soit-il, en pleine actualité d’indépendance du Groenland, des victimes d’origines étrangères variées et travaillant sur la plateforme pétrolière locale, des intérêts particuliers qui viennent se percuter avec des intérêts privés industriels ou politiques, et vous aurez un imbroglio que l’auteur, écrivant au passage sous pseudo et dont c’est le premier polar, se garde bien de démêler avant les derniers chapitres du livre.

En ce qui concerne l’intérêt de l’intrigue, qui pourtant mêle crimes et politiques, trahisons et coups fourrés, fausses pistes et vrais amitiés, on reste un peu sur sa faim. Pour ce qui est de l’atmosphère « blanche » liée à l’environnement du Groenland, on est mieux servi. Le récit prend un peu de profondeur et d’intérêt à partir du moment, qu’on sent largement venir dès le départ, où l’histoire de l’enquête rejoint l’histoire de Qaanaaq qui en partant sur les traces des suspects part sur les traces de sa naissance et de ses parents, étant précisé qu’il a été adopté par un couple de danois, elle ancienne patronne des services de police danois et lui feu écrivain de romans policiers.

Il y a un vrai travail de recherche et de pédagogie de la part de l’auteur pour parler de la culture inuite et la transmettre au lecteur. Par petites touches, il montre un attachement certain à ces contextes culturel et environnemental particuliers où les deux sont indissociables l’un de l’autre. Le fait que le Groenland soit une île, aussi vaste soit elle, entourée d’une mer agressive et brutale, rend l’atmosphère pesante et crée un huis clos efficace, renforcé quand Qaanaaq quitte Nuuk pour le village de Qaanaaq, 1.600 kilomètres au nord de Nuuk et au-delà du 66° nord, qui plonge les personnages dans une nuit polaire quasi éternelle.

Il reste donc que l’enquête à proprement parler possède un sérieux goût de déjà lu, de réchauffé. Retirez les aspects propres au Groenland et le soufflé retombe un peu. Les personnages par exemple manquent de profondeur. Mo Malo construit une relation particulière entre Qaanaaq et Apuu, subtil mélange de suspicion et de fascination mais cela manque d’introspection individuelle. Le background des personnages principaux n’est pas délaissé par l’auteur mais on ne sent pas le lien qu’il faudrait faire entre ce qui a permis à chaque personnage de se construire et ce qu’ils sont devenus au moment du récit. Seul Qaanaaq s’en sort à peu près mais cela arrive tardivement dans le livre.

On reste au final un peu sur sa faim dans ce qui semble être pour l’auteur un exercice de style, une tentative qui si elle n’est pas totalement concluante pourrait mériter d’être ré-essayée.