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Corse, famille, Florian Eglin, La Baconnière, Représailles, vengeance, violence

Titre : Représailles
Auteur : Florian Eglin
Éditeur : La Baconnière
Représ-aïe
En toile de fond : la Corse. En personnage principal : la violence à l’état le plus brut. Un SUV poursuit une Mercedes… A bord de la Mercedes : un couple de touristes suisses ; un homme, sa femme et leurs deux filles. A bord du SUV : trois corses patibulaires. Entre les deux : une tension au maximum.
Florian Eglin prend son temps pour installer et faire monter la pression jusqu’à la confrontation de Tom, le touriste, avec Anton, Luigi et Pietro, les corses patibulaires. L’affrontement des hormones mâles présentes dans les deux véhicules est le point d’orgue de ce qui s’apparente à une première partie.
Vient ensuite la vengeance du père d’Anton, Luigi et Pietro à l’encontre de Tom. Pas de bol pour Tom, le papa est un peu le chef de la mafia corse. Autant vous dire que pour un mafieux corse, la vengeance n’est pas un plat qui se mange froid ! C’est plutôt chaud bouillant.
Le final est assez surprenant dans la mesure où, au fil du récit, les personnages masculins, s’ils conservent leur force et restent présents dans le récit, ont tendance à faire de plus en plus de place à trois personnages féminins : la femme de Tom, Adèle, la mère d’Anton, Luigi et Pietro, et la jeune policière. Ce triptyque aborde la violence très différemment des hommes et de manière hétérogène entre elles.
Adèle épouse, un peu par atavisme, un peu par la force des choses, la violence sourde de son mari. Mais si ce dernier exprime sa violence pour lui, en sa faveur, Adèle se comporte en louve protectrice pour ses filles et son foyer. Si Tom a un côté égocentrique, Adèle est plus « altruiste » dans le sens où sa violence n’est pas utilisée pour elle mais pour sa famille. Mais elle n’en reste pas moins un personnage d’une froideur glaçante presque perverse.
La mère corse dans toute sa splendeur, elle, possède une violence toute intérieure qui ne s’exprime pratiquement jamais, qui s’intériorise en une force toute intérieure. Mais cette froideur est son bouclier, lui aussi dirigé vers sa famille.
La flic représente un peu la synthèse des deux. Dépeinte sous des traits un peu de camionneuse, au franc parler, aussi brusque que brutale, elle n’en est pas moins capable de sentiments très féminins.
Mais revenons au récit de Florian Eglin. Il me semble essentiel dans celui-ci de s’attacher principalement au fond et à la structure en spirale de son histoire, de son déclenchement à son dénouement. L’intrigue est plutôt rondement menée par l’auteur qui y mêle la police (qui y voit une occasion de faire tomber un parrain de la mafia), celle-ci ayant dans ses rangs, en la personne de son chef, quelqu’un qui a aussi des comptes personnels à régler avec lui.
La forme n’est pas constamment à la hauteur de l’histoire. Il y a certains tics d’écriture qui m’ont perturbé. Au premier rang desquels cette manie dont je vous donne deux exemples mais qui se répètent et souvent dans des phrases qui se suivent : « Tom, sa fureur finissait, partait. Alors, toute la bande, ils ont ricané. ».
Au-delà de ça, on finit par se laisser prendre au jeu. Il faut accepter par contre de se confronter à des scènes de violence quelque peu outrancières. C’est un roman qui raconte une histoire de psychopathes qui se télescopent sous la plume d’un écrivain psychopathe…
Le tout donne un rendu très proche d’une série B, un peu léchée où les scènes de violence se feraient au ralenti, de façon très cinématographique à la sauce hongkongaise…
Le dernier aspect intéressant du livre est de s’interroger sur les origines de la violence et ses différentes formes. La violence est omniprésente dans les pages de ce livre et quand ke parle de forme, je ne vise pas les raisons de la violence ni pourquoi elle s’exprime. Tour à tour outrancière et démonstrative, elle peut se montrer larvée et cachée, presque menteuse et manipulatrice. Tom et sa femme semblent nourrir leur violence depuis plusieurs années alors qu’elle n’est jamais parvenue à s’exprimer : comme si une sorte de gangue sociale retenait cette violence emprisonnée et que seul le fait de se prendre la violence des autres en pleine tête l’autorisait (la légitimait ?) à enfin se montrer au grand jour.
Les protagonistes corses, quant à eux, sont des compagnons de route de longue date de leur propre violence : ils ont vécu avec elle, l’ont parfois domestiquée ou au contraire l’ont laissée se développer mais ils l’ont assimilée, ils l’ont faite leur.
Un poil too much pour moi, quand même.