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Titre : Autochtones
Auteur : Maria Galina
Traduction : Raphaëlle Pache
Éditeur : Agullo
Transgenre
Il n’est jamais évident de parler d’un livre de Maria Galina… Avant tout et surtout parce qu’il ne rentre dans aucune case, si tant est qu’on voudrait faire rentrer des livres dans des cases. Ce n’est pas un polar même s’il en épouse certains contours. Ce n’est pas un roman d’anticipation même si cette histoire ressemble parfois à la réalité mais « en faisant un pas de côté ». Ce n’est pas un roman classique car il est tout SAUF classique…
Par contre, c’est clairement un livre littéraire sur la littérature et, d’une manière plus générique, sur l’art ou la culture et son pouvoir.
Maria Galina brouille donc, avec un plaisir non dissimulé et un brio évident, les pistes et les frontières, pour le plus grand bonheur du lecteur un peu attentif. Car l’écriture de Maria Galina, son style, la structure de son texte, les thèmes abordés, exige un peu de concentration, mais le résultat en vaut largement la peine.
Sous couvert de s’intéresser à un groupe d’artistes avant-gardistes des années 20, Le Chevalier de Diamant, ayant organisé une seule représentation d’une pièce, « La mort de Pétrone », au cours de laquelle spectateurs et acteurs, drogués, les uns à leur insu les autres en qualités d’organisateurs, se sont livrés à des actes à la limite de l’orgie et dont il ne reste aucune trace historique. Petit à petit, notre enquêteur dévoile ses pistes et révèle, avec parcimonie, ses intérêts et ses motivations.
On ne sait jamais qui est vraiment notre enquêteur. Là encore le flou organisé par l’auteur impose au lecteur de se concentrer sur les autres événements, sur les autres personnages, en l’occurrence ceux qui ont participé aux événements de 1920 ou ce qu’il reste de leur famille. Maria Galina met donc en place tout ce qui entoure son « héros » qui fait plutôt figure d’anti-héros qu’autre chose, éclaire tous les à-côtés mais pas cet homme perdu dans une ville qu’il ne maîtrise pas, au milieu de personnages qui le manipulent et le mènent en bateau (ou plutôt en taxi, les lecteurs comprendront), dans une tourmente qu’il en enclenché mais qu’il ne paraît pas apte à résorber.
Maria Galina n’a pas sa langue dans sa poche. En une phrase, en un paragraphe, en une description, parfois en quelques pages, elle parvient à moquer les collectionneurs d’art et leur infatuation ou leur pédanterie, à balancer sur la littérature bâclée et prémâchée pour cerveaux à la dérive, une sorte de prêt-à-penser soumis à un conformisme sclérosant (« on cuisinait ces livres comme des crêpes. Comme un gâteau au fromage blanc. Myrtille, fruits confits ou bien zeste de citron, oui, mais la base restait la même. »).
Du coup, le récit de Maria Galina est émaillé de références culturelles, artistiques, littéraires, picturales, théâtrales… qui, non contentes de ne pas plomber le texte, invitent le lecteur à prolonger sa lecture avec de nouvelles références.
Ce roman est foisonnant, sans écœurement, intense, sans être prise de tête. Une vraie belle réussite qu’il faut savoir appréhender à travers les manipulations et trahisons en série, l’absurdité assumée de certaines situations, la présence de créatures étranges, secrètes. Ces « Autochtones » sont Abstraits, Abscons, Absurdes, Aberrants, Abracadabrants, Absolument formidables ! Et le petit côté surréalisme du déroulé de l’histoire donne un piquant supplémentaire.
Voir aussi L’organisation.
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