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Titre : La maison du commandant
Auteur : Valerio Varesi
Traduction : Florence Rigollet
Editeur : Agullo
Soneri, plein Pô
Il y a des choses qui, à travers le temps et l’espace, conservent un pouvoir de bienfaisance, apaisant, une force de l’habitude qui offre une forme de bien-être et de sérénité. Les enquêtes de Soneri par Valerio Varesi font clairement partie de ces balises qu’il fait toujours un bien fou à retrouver.
Dès les premières pages, on se retrouve immédiatement dans une atmosphère familière. On retrouve des personnages qu’on a aime depuis le début (ou qu’on a appris à aimer) où il est question, entre autre, de la relation entre Angela et Soneri ; on croise des situations maintes fois rencontrées où Soneri déguste une des nombreuses spécialités culinaires locales ; on reconnait les schémas narratifs qui ont fait le succès des précédents romans et dont l’efficacité ne se dément toujours pas où Soneri prend le temps de digresser, de venir à lui les indices, sans avoir l’air d’y toucher jusqu’à ce que tout se mette en place.
Valerio Varesi ne facilite la vie ni de son héros (qui fait plus figure d’anti-héros) ni de ses lecteurs. Il ne lui accorde aucun indice flagrant et met tous les suspects sur un même pied d’égalité.
Et puis, comme d’habitude, il y a, au centre du récit de Valerio Varesi, une région et surtout un fleuve, le Pô. La région est en perte de vitesse économique et la présence d’étrangers qui râclent les fonds fluviaux cristallise certaines tensions. Les difficultés économiques se compliquent d’une déliquescence sociale, en proie au racisme et à l’aigreur. Derrière les deux cadavres sur lesquels Soneri enquête, il est question de haine ordinaire qui gangrène de manière inéluctable les gens.
Les deux cadavres ont bien entendu un lien entre eux, à travers le temps et l’espace. L’un d’entre eux est celui d’un ancien commandant, actif dans la résistance italienne. L’autre est un de ces étrangers qui pêchent illégalement sur le fleuve. Pour tenter de résoudre son enquête, Soneri suit son instinct et celui-ci lui dicte de suivre l’argent. C’est le nerf de la guerre, de toutes les guerres.
En faisant ainsi le lien entre deux époques, Valerio Varesi s’offre la possibilité de mieux mettre en lumière ce qui a changé dans la société où ses personnages évoluent. Et on ne peut pas dire que ce qu’il dépeint est très positif. Il y a comme quelque chose de cassé chez Soneri, comme dans la société italienne. Soneri est désabusé rendant le récit plus sombre encore que les précédents. Par le passé, une personne pouvait symboliser un travers de la société. Ici, ce sont des groupes de personnes qui représentent ces mêmes perversions. Comme si la gangrène s’étalait petit à petit pour toucher de plus en plus de monde.
Mais malgré la noirceur du récit de Valerio Varesi, il reste encore un peu d’espoir : quelques hommes ou quelques groupes ne pervertissent pas encore toute une société. Il y a encore un espoir. Notamment parce que ceux qui attisent la haine, quand bien même elle reste intolérable et inadmissible, se trompent de haine mais pas de combat. Ce dernier pèche largement par la forme mais pas sur le fond. Tout est finalement une question de méthode. Comme pour Soneri. Comme pour Varesi.
Ce nouveau cru est parfaitement réussi, comme les précédents.