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Après quoi on court - Jérémy Sebbane

Titre : Après quoi on court

Auteur : Jérémy Sebbane

Éditeur : MA Editions

« Lisa aime Aaron, qui aime Michaël, qui aime Dana… » Tel est le résumé un poil réducteur proposé par la quatrième de couverture mais qui pose assez bien le cadre général du roman. Ils sont lycéens quand on les rencontre (sauf Lisa qui apparaît plus tard dans l’histoire mais dès le début du livre). Aaron, jeune adolescent en plein émoi, est sur le point de découvrir son homosexualité et l’amour sans borne qui le lie à son meilleur ami, Michaël, qui lui tombe amoureux de Dana, la petite nouvelle de la classe. Plus tard, Lisa jouera le rôle de meilleure amie amoureuse d’Aaron.

C’est à la fois émouvant et agaçant ! C’est émouvant parce qu’on s’attache à ces quatre personnages. C’est agaçant parce qu’ils sont quand même énervant ces quatre inadaptés du bonheur qui cumulent stupidité et entêtement à la poursuite du malheur.

Aaron est égocentrique, frustré avec un petit côté masochiste. Michaël est un indécis chronique qui refuse de grandir. Lisa est le pendant féminin d’Aaron qui s’entête à aimer l’homo de service. Dana est la petite fille bourgeoise, calculatrice et manipulatrice.

Le portrait que brosse Sebbane de ses personnages n’est au final pas très flatteur pour eux. Le bref résumé qui précède est représentatif de ces adolescents incapables de chercher le bonheur ailleurs que là où ils ne peuvent manifestement pas le trouver. C’est très vrai pour Aaron et Lisa, relativement vrai pour Michaël et plus léger pour Dana mais personne n’y échappe. Même pour ceux qui semblent parvenir à trouver le bonheur n’ont en fait découvert qu’un leurre, ils se trompent eux-mêmes pour mieux se donner le sentiment d’y être enfin arrivé.

Pour Aaron et Lisa, pas besoin de faire un schéma : la nana hétéro amoureuse du mec homo amoureux du mec hétéro, rien de bien innovant. Pour Michaël, cela se complique un peu : il ne sait pas trop où il en est de sa sexualité pour finalement opter pour la voie, disons, classique qui ressemble plus à un choix par défaut et consensuel qu’à un choix délibéré et totalement honnête. Dana, de son côté, va à contre-courant du sexe facile et tous azimuts pratiqués par ses camarades de classe et opte pour approche exclusive, fidèle de la relation amoureuse n’hésitant pas à user de tous les stratagèmes pour emprisonner littéralement Michaël dans une cage dorée au risque, et c’est là où elle met en jeu son bonheur sans aucunes certitudes, de le scléroser et de le perdre.

Par contre, Sebbane ne fait-il pas une petite erreur en plaçant son roman au début des années 2000 alors que ce qu’il décrit reflète, par expérience, plus une ambiance et une réalité des années 1990 ? J’hésite clairement… mais après tout la réalité d’une époque peut perdurer dans le temps.

Le roman est plutôt bien construit autour de chapitres courts voire très courts qui portent  chacun la voix d’un des protagonistes mais qui ne se contentent pas de se répondre les uns aux autres mais reprennent en quelque sorte l’histoire là où le précédent narrateur l’a laissée pour l’amener plus loin. Au final, on n’aura pas quatre versions de la même histoire racontée par les quatre protagonistes mais bien le fil d’une seule histoire dont on aura chaque bribe racontée par un seul personnage à chaque fois. Le livre ressemble ainsi un peu à un patchwork de sentiments, de points de vue…

On est facilement porté par ces personnages qu’on a parfois envie de secouer pour leur dire « regarde pour une fois dans quelle abîme tu t’enfonces », « arrêtes de chercher à te faire du mal et avance ». Sebbane dispose d’une vraie plume capable d’aller à l’essentiel, de se mettre dans la peau d’ados un peu attardés qui ont le malheur de virer adulescents au moment où ils devraient enfin parvenir à mûrir un peu.

Il a peut-être eu un peu de mal à finir son roman qui laisse un petit goût d’inachevé. Il ne demande qu’à être gommé au prochain livre. On peut se poser toutefois justement la question du contenu du prochain livre tant, et je peux me tromper lourdement, on a l’impression que Sebbane a mis dans celui-ci beaucoup de lui-même et/ou de sa propre expérience. Lui en reste-t-il encore sous le pied pour le prochain ?

Un roman attachant, tendre et agaçant à la fois. Un mélange particulier mais qui fonctionne quand même bien.