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Le mensonge d'Alejandro - Bob Van Laerhoven

Titre : Le mensonge d’Alejandro

Auteur : Bob van Laerhoven

Éditeur : MA Editions

Encore une bonne surprise du côté de MA Editions qui délaisse (avec réussite) le thriller qu’on pourrait qualifier de traditionnel ou de pur jus (celui avec le serial killer et la troupe de flics passablement énervés et largement et momentanément déficients) pour un roman plus proche du roman noir. Tout comme Bob van Laerhoven qui ne m’avait pas enthousiasmé avec son précédent livre mais qui reprend ici du poil de la bête. J’y allais donc avec précaution mais y allais tout de même et je n’en fus pas déçu.

Quelque part en Amérique latine, dans un pays appelé Terreno, Alejandro Maldiga vient de sortir de prison. Il y a passé les 10 dernières années tout simplement parce que sous une junte militaire il ne fait pas bon faire partie, en tant que guitariste, d’un groupe, Aconcagua, qui critique et moque le régime d’un généralissime aussi omnipotent que sanguinaire. La figure de Pelaron a d’ailleurs beau être récurrente, on sent bien que lui ou un autre, ce serait pareil : il n’a donc, contrairement à son statut privilégié de personne forte du régime dictatorial, aucune réelle importance ou présence dans le livre.

Le livre est l’histoire d’Alejandro Maldiga, de la découverte de la guitare et de Victor Perez, chanteur et âme du groupe Aconcagua, mort dans les geôles fascistes, à sa non-vie à la sortie de la prison, des rencontres (ratées) qu’il va y faire : Beatriz (fille et femme d’hommes forts de la junte), Joao Pereira (artiste révolutionnaire), Cristobal (recteur de l’université) ou René Lafarge (prêtre belge qui officie dans la porquerizia, le favela local amicalement nommé « la porcherie »).

Tous les personnages, et Alejandro plus encore, traînent leur passé plus que sombre. Bob Van Laerhoven arrive assez bien à entremêler les différentes histoires pour créer un tout cohérent d’une noirceur crasse. Car aucun personnage (à l’exception notable de Cristobal, le moins perverti par la folie) ne sortira indemne de cette histoire.

A travers le mécanisme de la dictature (répression, manipulation, torture, emprisonnement) et les caractères bien particuliers de ses protagonistes, l’auteur dresse un tableau sombre de la nature humaine. Alejandro est le plus torturé de tous. Il est un concentré de lâcheté, de jalousie, de rancœur et de haine de lui-même.

Ce mélange détonnant trouve du répondant dans les caractères hautement séditieux de Cristobal ou de Pereira (qui se cachent derrière des fonctions d’universitaire pour le premier et d’artiste pour le second), hautement dépravé de René, le prêtre au passé belge lourd, de Beatriz qui, sous des dehors de femme de la haute société terrenos brimée d’abord par son père puis battue par son mari, plus mafieux et raciste que le pire mafieux et le pire raciste réunis, traîne une mal-être et une folie palpables. Il n’y a au final dans cette folle course que des fous pour accepter de la courir sur la base des règles fixées par leurs démons intérieurs jusqu’à leurs pertes respectives.

Ce n’est donc pas tant dans la critique de la dictature ou dans le traitement de ses mécanismes que l’on trouve ce qui fait la force de ce roman, c’est bien dans les personnages, dans leurs caractères et dans leurs interactions. La toile politique n’est là que pour amplifier tout cela, souligner la folie ambiante qui semble s’incarner dans chaque personne. Folie qui n’est pas non plus étrangère au colonel à la retraite… Mais bon, je ne peux pas donner la liste de tous les ingrédients au trop grand risque de dévoiler toute la recette.