Étiquettes

, , , , , ,

Titre : Tuer Jupiter

Auteur : François Médéline

Éditeur : La Manufacture de Livres

Le politique derrière l’homme

Ce livre, à peine sorti, fait parler de lui, fait réagir. Malheureusement, ces réactions sont parfois faites par des personnes qui s’arrêtent au titre, à des oui-dire… bref qui n’ont pas lu le livre.

Le point de départ du roman est assez osé, il est vrai : décembre 2018, on assiste à l’entrée au Panthéon de feu le président Macron, assassiné par empoisonnement. A partir de là, François Médéline va remonter le temps jusqu’au lancement du complot. Qui ? Pourquoi ? A part le comment, l’empoisonnement, on ne saura rien avant la fin. Ou alors on saura une partie des faits mais qui ne représentent qu’une partie de plus en plus grosse mais une partie seulement tout de même d’un iceberg étourdissant. Comme si l’auteur zoomait petit à petit sur l’iceberg pour qu’on en voit de plus en plus.

La structure sous forme de remontée dans le temps n’est pas une invention de l’auteur. Mais, en général, on remonte un seul fil narratif : celui du héros ou du narrateur. Ici, François Médéline change d’angle de vue à chaque saut dans le temps. La vision qui s’offre au lecteur n’est alors que parcellaire malgré les informations qui lui sont livrées. C’est aussi déroutant que passionnant à suivre.

Ce roman a beau être économe en pages, il est total : politiquement parlant, cette histoire mêle tout ce que le Monde compte de personnalités ou de « structures » influentes. C’est facile de dire que « tout est politique », encore faut-il pouvoir relever le défi de l’écriture et François Médéline l’applique parfaitement dans son roman. Au passage, il n’épargne personne et égratigne particulièrement certains hommes politiques, français ou étrangers. Gérard Collomb n’en sort pas grandi, en dehors de sa capacité à rester fidèle à la figure de son fils politique spirituel !

Le pire dans tout cela étant de se dire que les attitudes, les paroles, les façons d’être, les décisions qu’il attribue à chaque personnage ne sont pas si improbables que le scénario de départ peut le laisser envisager. Sans être cohérent (il faut arrêter avec cette idée que l’auteur souhaite la mort d’Emmanuel Macron ! l’auteur est bien libre de prendre le point de départ qu’il souhaite sans pur autant faire de ce préalable une volonté réelle… il faut savoir faire la différence entre une fakenews et des faits réels, ais passons), cette politique fiction n’en est pas pour le moins improbable ! Sur tout cela, François Médéline nous montre les hommes politiques dans une intimité sans fard qui fait peur devant tant d’humaine faiblesse et de petitesse.

Et puis, le roman parle aussi de notre rapport à l’information, de fake news, de notre propre capacité à digérer tout cela, à prendre du recul. Nous sommes arrivés dans une ère où, comme le souligne l’auteur, le média prime sur le message au point de devenir le message lui-même (the media is the message) et de vider celui-ci de toute signification.

De par sa structure, de par son fond autant que de par son style, de par la somme des informations qu’il met en scène en aussi peu de pages, ce livre est un incontournable de la rentrée littéraire 2018. Mais il vaut mieux ne plus avoir trop d’illusions sur la politique avant de se plonger sous ses dessous plutôt plus que moins ragoutants. Une fakenews pour un unfakebook !