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été des meurtriers

Titre : L’été des meurtriers

Auteur : Oliver Bottini

Éditeur : L’Aube

On retrouve Louise Boni après sa cure de désintoxication et après quelques mois passés dans le monastère qui accueillait en son sein et à son insu le trafic d’enfants, objet du précédent « Meurtre sous le signe du zen ».

Louise a repris du service et se retrouve associée à une enquête sur l’incendie d’une grange à Kirchzarten, toujours aux alentours de Fribourg, sous laquelle, sous l’effet de la chaleur, explose une véritable armurerie cachée dans une cave secrète. La présence d’un nombre effarant d’armes mais l’absence totale de munition inquiète tous les niveaux judiciaro-politico-policiers allemands qui part bille en tête sur la poste des néo-nazis alors que tout semble pointer en direction de la piste serbo-croate.

On retrouve le style de Bottini qui n’a pas changé la recette de son précédent livre : le lecteur est se perd avec plaisir dans un style à la fois très précis sur la forme (en terme de vocabulaire, très bien écrit) et à la fois très elliptique sur le fond (beaucoup de choses passent par les non-dits, les phrases en rupture on les discussion qui ne sont jamais véritablement achevées entre les protagonistes, tout comme les réflexions de chaque personnage qui ne sont jamais livrées dans leur intégralité, tout cela pour mieux rebondir quelques pages plus loin).

Bottini, après le trafic d’enfants pour pédophiles dans le premier livre, s’attaque au trafic d’armes et aux imbrications de l’Allemagne vis-à-vis du douloureux conflit d’ex-Yougoslavie et vis-à-vis du Pakistan et de cette région véritable poudrière.

Bottini tire un fil rouge tout au long du livre où il est question de responsabilité et donc de culpabilité. Et elles sont nombreuses… Responsabilité/culpabilité de Louise face à l’alcool (que ce soit par rapport à son ancien état d’alcoolique ou par rapport aux tentations face auxquelles elle lutte à tout bout de champs), de Louise face aux personnes qu’elle a tuées  ou blessées directement ou indirectement (Calambert le pédophile, Niksch et Hollerer dans le premier tome, son frère qui s’est tué, le propriétaire de la grange qui abritait la cache des armes), de Louise par rapport à Richard Landen qu’elle convoite et dont le couple se fissure, de Louise par rapport à ses collègues, de l’Allemagne par rapport aux crises identitaires qui ont pu jalonner son histoire récente des 30 dernières années ou au trafic d’armes auquel elle a largement participé.

« L’été des meurtriers » va donc plus loin me semble-t-il que « Meurtre sous le signe du zen » qui abordait pourtant déjà cette thématique mais de façon peut-être moins radicale, moins défaitiste.

Tout comme la neige était un symbole fort et rémanent du précédent livre, le feu tient ici son rôle cathartique même s’il n’apparaît que dans les premières pages mais comme élément déclencheur de la suite.

Un livre de Bottini est toujours un peu plus profond que la première accroche, que l’histoire policière. Bottini traite de la société dans laquelle il place ses personnages plus que d’une enquête policière, il s’attache plus aux personnages qu’aux crimes qui s’ils sont largement condamnés n’en demeurent au final qu’un cadre où les personnages et leurs interactions, entre eux et avec le monde dans lequel ils évoluent, prennent leur véritable dimension.

Il n’est pas totalement inutile de lire le premier livre pour apprécier le second à sa juste valeur, même si Pierre Faverolle s’en est passé pour sa chronique !

 

De la vérité :

En prenant de l’âge, on comprend que la vérité est l’unique chose qui nous reste. Elle est au cœur de tout, la valeur la plus importante d’une société éclairée. Mais c’est également la plus inconfortable, raison pour laquelle nous l’évitons volontiers. Mais en fin de compte, Louise, tout tourne autour de la vérité. De la vérité de la naissance à la vérité de la mort. La vie entre ces deux points a davantage de sens, elle est plus remplie, plus chrétienne, si on la vit sous l’aspect de la vérité.

 

De la démocratie :

Pas comme ça, dit-elle, pas avec ces méthodes, Marcel. Quelle est la valeur d’une démocratie si elle utilise les méthodes de la dictature pour survivre ? Qu’adviendra-t-il de nous ? Je veux dire, sommes-nous seulement encore des démocrates ? Et qui décide de quelles méthodes doivent être employées contre qui ? Qu’est-ce qui nous différencie alors…

 

Du sens :

La démocratie et la liberté, ça, ils ne le comprennent tout simplement pas et ils nous laissent tomber, ils nous trahissent lorsque nous reprenons le combat, jetons de nouveau des pierres…

Vous voulez dire des bombes, dit-elle. Vous jetez des bombes.

Mon Dieu, c’est une métaphore… C’est exactement ce que… C’est la différence culturelle insurmontable dont je parle entre les générations, entre nos visions et votre pragmatisme quotidien, entre nos métaphores et votre façon de prendre les choses au pied de la lettre. Nous lisons les grandes corrélations de sens, vous lisez le mot.